« La difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles, mais d’échapper aux idées anciennes »
John Maynard Keynes

Très engagée dans la réflexion sur les modèles économiques alternatifs, Relais d’Entreprises vous propose de découvrir ou d’en apprendre plus sur l’Economie de la Fonctionnalité et de la Coopération (EFC) à travers une série de plusieurs publications.

Pourquoi l’EFC ?

L’EFC est la résultante d’une volonté de penser des nouveaux modèles économiques en phase avec les enjeux de la transition écologique, et plus respectueux des humains. En effet, le modèle économique actuel, basé sur l’accumulation des ressources et la compétition, arrive à bout de souffle : normalisation des offres, recherche de gains de productivité via des logiques de volumes et d’économies d’échelles, spécialisation des tâches, optimisation de la rentabilité etc… Depuis 40 ans, les dynamiques productives sont dominées par la concurrence, la prédation sur les ressources, et la logique court-termiste, qui ont des effets pervers sur les régulations écologiques et les rapports sociaux. C’est bien vis-à-vis de ce contexte de crises multiples et de raréfaction des ressources qu’il est impératif d’imaginer un nouveau modèle de développement avec en son cœur un modèle économique capable d’assurer la pérennité des entreprises et la résilience des territoires.

Par conséquent, en tant que modèle économique alternatif à part entière, l’EFC se donne pour objectif de remettre la coopération au cœur des modèles économiques, entre les différents acteurs (publics, privés, associatifs, citoyens…), mais également entre différentes échelles d’actions (sectorielles, territoriales…). Par exemple, la mobilité durable, pour constituer une alternative crédible à la voiture individuelle, doit se décliner à la fois à l’échelle de la vie quotidienne (le quartier), à celle du bassin de vie (navettes domicile-travail, tiers lieux), et à l’échelle régionale/nationale.

Economie de la Fonctionnalité et de la Coopération

C'est quoi l'EFC et quelles sont ses origines ?

Les origines de l’économie de la fonctionnalité remontent aux différentes réflexions issues des travaux du Club de Rome, notamment à celles gravitant autour de l’économie circulaire. C’est à Walter Stahel (1989) et Orio Giarini (1986), que nous devons l’expression « économie de la fonctionnalité » (« service economy » en anglais). Ces deux auteurs sont convaincus qu’un remplacement de la vente de biens par la vente de services peut être à l’origine d’une réduction de la consommation de ressources et d’énergies en créant une « valeur d’usage ».

Pour résumer plus simplement, on peut dire que la proposition de valeur d’une entreprise se modifie en remplaçant l’accès à la propriété du bien par l’accès à l’usage de ce bien. Les besoins du consommateur restent donc satisfaits, mais avec plus d’efficience. Cependant, l’entreprise est obligée de revoir son modèle économique, car la stratégie et l’organisation qu’elle implique sont sensiblement différentes.

Selon l’ADEME[1], « L’Économie de la Fonctionnalité et de la Coopération est un modèle économique qui consiste à concevoir et à produire des solutions qui sont fondées sur l’intégration de biens et de services, associée à la vente d’une performance d’usage et/ou inscrite dans une dynamique territoriale ». Une telle démarche, comme le rappelle Christian du Tertre[2], implique des dynamiques de coopérations poussées, à différentes échelles : dans les entreprises, entre entreprises, entre entreprises et collectivités territoriales, et enfin entre entreprises, collectivités territoriales et collectifs de citoyens. L’EFC mobilise également certains leviers comme la prise en compte des externalités (positives et négatives) et le développement de ressources immatérielles.

Autrement dit, « l’économie de fonctionnalité peut être définie comme un modèle économique reposant sur la vente de solutions, incluant produits et services, plutôt que sur la vente du bien lui-même. On se concentre donc sur les fonctionnalités rendues possibles par l’usage du bien. Il n’y a pas de transfert de propriété du bien, celui-ci restant la propriété de son fabricant tout au long de son cycle de vie »[3].

Exemples :

  • Au lieu de vendre des poêles à bois, vendre une solution thermique.
  • Au lieu de vendre des luminaires, vendre une solution lumineuse.
  • Au lieu de vendre des études tiers lieux, vendre une solution de rééquilibrage des territoires pour une meilleure qualité de vie des résidents

Les principaux concepts de l'EFC

Recrutement

Coopération

« La coopération consiste à tenir compte des contraintes des autres dans les choix et arbitrages que font les acteurs dans leurs activités réelles. Elle repose sur la capacité des uns et des autres à conjuguer son propre champ de compétence avec les enjeux, les contraintes et les compétences des autres. La coopération renvoie donc à la qualité du travail en tant qu’activité créatrice de valeur sur un plan économique, social ou personnelle, et à la qualité des relations entre acteurs »[4]

Territoire

Notion polysémique selon les disciplines qui y ont recours. Il ne s’agit pas ici, d’un espace délimité par une autorité ou une juridiction administrative, ou à une simple somme d’acteurs. En économie, le territoire peut se définir comme un système de relations complexes entre acteurs. « Développer nos territoires » reviendrait donc à développer les logiques relationnelles entre les acteurs. Plus largement, la notion de « territoire » fait également référence au « territoire de projets », un espace physique habité qui témoigne d’une appropriation à la fois économique, culturelle et politique de l’espace par des groupes humains qui se donnent une représentation particulière d’eux-mêmes, de leur histoire, de leur singularité (Di Méo, 1998).

Modèle économique

Regroupe 5 dimensions :
- Une proposition de valeur en lien avec la demande
- Une configuration productive adossée à une organisation spécifique du travail
- Un mode de contractualisation des relations de l’entreprise avec ses clients ou usagers, ses fournisseurs (aussi appelé « modèle d’affaires »)
- Un mode de répartition de la valeur
- Un mode de gouvernance

Performance d’usage

Ne plus vendre des moyens, c’est-à-dire des biens ou du temps, mais une valeur servicielle, ce qui autorise le découplage entre la création de valeur et le volume des moyens mobilisés (biens et services). La dimension matérielle de la production peut passer au second plan vis-à-vis de sa dimension immatérielle.

Exemple[1] : l’une des dimensions de la performance d’usage liée au domaine du « bien-vivre alimentaire » relève d’un effet positif en termes de santé des « mangeurs ». Pour être tenue, cette ambition nécessite une implication des mangeurs qui vont devoir faire évoluer un certain nombre d’usages alimentaires (apprentissage des dimensions nutritionnelles, évolution du type de produits consommés, développement de nouvelles façons de cuisiner liées au bio). Ici, la solution intégrée doit proposer conjointement des fruits et des légumes provenant de maraichers respectueux de l’environnement et de la santé des consommateurs, un service de vente / distribution de proximité, des conseils nutritionnels personnalisés, un éventuel appui à la pratique de la cuisine (ateliers), etc. C’est, aussi, à cette condition que la performance d’usage envisagée pourra être tenue.

Externalités / effets utiles

Effets positifs ou négatifs, non intentionnels. Désigne le fait qu’un individu subit des dommages sans forcément recevoir de compensation ou, au contraire, bénéfice ou avantages sans forcément en payer le prix[6].

Exemple : l’intervention d’une femme de ménage au sein d’un domicile génère quels effets utiles en termes de qualité de vie, de tranquillité d’esprit, de gains de temps ? Quelle est la dépense acceptable du bénéficiaire dans le domaine considéré au vu de ces effets utiles attendus ?

Exemple : En télétravaillant, un salarié réduit sa consommation d’énergie ainsi que son impact environnemental.

Ressources immatérielles

ressources intangibles (non mesurables, non dénombrables), en opposition avec les ressources matérielles, qui engagent un jugement de valeur d’ordre qualitatif.

Schéma de l’Economie de la Fonctionnalité et de la Coopération par ATEMIS-LIR
Schéma de l’Economie de la Fonctionnalité et de la Coopération par ATEMIS-LIR
[1] Agence de la Transition Ecologique

[2] Entretien de Christian du Tertre (Professeur d’université, président de l’IEEFC et directeur du laboratoire de recherche ATEMIS) par Isabelle Laudier (Caisse des dépôts) : « L’économie de la fonctionnalité et de la coopération : vers un nouveau modèle économique ? », 17 décembre 2020

[3] ECLAIRA. 2020. Economie de la Fonctionnalité et de la Coopération (EFC)

[4] ADEME, ATEMIS, Christian DU TERTRE, Patrice VUIDEL, Brigitte PASQUELIN. 2019. Développement durable des territoires : la voie de l’économie de la fonctionnalité et de la coopération. 21 pages

[5] Ibid

[6] Définition du Club Noé

Pour en savoir plus

Sites des clubs territoriaux :

Quelques ouvrages/rapports/articles :

  • Eric Fromant. 2012. Les clés du renouveau grâce à la crise ! Economie de fonctionnalité : mode d’emploi pour les dirigeants d’entreprises.
  • Gérald Gaglio, Jacques Lauriol, Christian du Tertre. 2011. L’économie de la fonctionnalité : une voie nouvelle vers un développement durable ?
  • ADEME, ATEMIS, Christian DU TERTRE, Patrice VUIDEL, Brigitte PASQUELIN. 2019. Développement durable des territoires : la voie de l’économie de la fonctionnalité et de la coopération. 21 pages
  • ADEME, Patrice VUIDEL, Brigitte PASQUELIN. 2017. Vers une économie de la fonctionnalité à haute valeur environnementale et sociale et 2050. 443 pages
  • IEEFC, Nadia Banqué, Christian DU TERTRE, Patrice VUIDEL. 2014. Trajectoire vers l’économie de la fonctionnalité et de la coopération, dans une perspective de développement durable.
  • Nicolas BUCLET. 2014. L’économie de la fonctionnalité entre écoconception et territoire : une typologie
  • Dominique BOURG, Nicolas BUCLET. 2005. L’économie de fonctionnalité. Changer la consommation dans le sens du développement durable
  • ATEMIS, Christian DU TERTRE. 2016. L’économie de la fonctionnalité, pour un développement plus durable.
  • ADEME & Vous Le Mag n°106. Juin 2017. L’économie de la fonctionnalité : une vision nouvelle, des acteurs s’engagent